par René Barbier (juin 2008)
Texte écrit dans le cadre des activités du CIRPP (Centre d’innovation et de recherche en pédagogie de Paris – voir ici).
On peut distinguer trois types de postures critiques en sciences de l’éducation.
– une posture de dévoilement, traditionnelle chez les sociologues qui s’inspirent de Durkheim, et dont Bourdieu et Passeron ont été les éminents représentants. Sous l’apparence, le non-dit, l’impensé perdure et doit être dévoilé. Derrière cette posture, on trouve la croyance en la possibilité d’une « vérité » scientifique relativement neutre et avec une mise à distance de l’implication ; « vérité » le plus souvent à coconstruire dans la procédure rigoureuse de création de « faits scientifiques » et de contrôle précis des résultats. Chez Jean-Claude Passeron, toutefois, la sociologie est reconnue comme « historique » et se démarque de l’épistémologie popperienne de la falsifiabilité.
On peut reconnaître dans la posture freudienne, en particulier dans sa théorie des pulsions, des rejetons de l’imaginaire et des illusions qui en découlent, la même démarche d’une « vérité de l’inconscient » que le psychanalyste va aider à faire découvrir à son analysant, en particulier par l’analyse du transfert.
Ce type de critique du dévoilement conduit, souvent, au règne de l’expertise et à la réduction à une causalité plus ou moins linéaire d’une raison raisonnante, même si la psychanalyse lacanienne a toujours défendu l’illusion d’un « supposé savoir » du psychanalyste.
– une posture d’émancipation que la sociologie marxiste a bien mis en lumière, mais qui existe chez tous les chercheurs animés par une vision morale de l’avenir de l’humanité.
Portée par un regard philosophique, cette posture est plus liée à l’emprise de l’histoire et à son processus de déploiement dialectique dans une perspective inspirée de Hegel. La sociologie allemande dans la ligne de l’école de Francfort (Habermas, Adorno, Marcuse, Horkheimer) va dans ce sens. Une grande partie de la recherche-action également, surtout européenne et française, avec l’analyse institutionnelle et les sociologies de l’éducation et de l’exclusion (F.Dubet, B.Charlot, R.Castel, Vincent de Gaulejac etc)
– une posture de transaction qui séduit plutôt les chercheurs appréhendant les faits humains et sociaux, non comme des choses mais comme des systèmes tramés d’éléments en interactions, en interdépendance, en rétroactions permanentes. La mise au jour dans ce système d’interactions, des éléments composant l’ensemble, de ces principaux facteurs de flux et d’énergie, d’information et d’organisation, débouche sur une approche de la complexité avec Edgar Morin. Dans cette perspective la pensée critique ne peut s’en tenir à une pensée linéaire débusquant une cause principale d’effets pernicieux mais s’en tient, le plus souvent, à la compréhension (plus que l’explication) des jeux de flux interactifs qui entrent et qui sortent des systèmes considérés.