par René Barbier
Il y a plusieurs façons d’imaginer notre rapport à l’écologie qui est aussi notre rapport au monde, aux autres et à nous-mêmes en dernière instance.
L’écologie de la nature est l’écologie la plus ancienne.
Elle se traduit souvent par une écologie scientifique classique (classement, typologies).
Parfois elle prend les couleurs de l’écologie éthologique (avec implication du chercheur, par exemple le Brésilien Chico Mendez assassiné pour sa défense des arbres, la chercheuse américaine et les gorilles, Diane Fossey, qui se consacra , de 1967 à sa mort tragique en 1985, à l’observation et à la protection de ces animaux, particulièrement en danger (moins de 500 individus).
Rarement elle s’ouvre sur une écologie par et en fonction de la nature : elle devient alors une écoformation poétique qui invente une autre pédagogie, comme l’a montré Dominique Cottereau dans sa recherche.
L’écologie politique devient nécessaire
Elle renvoie au terme « polis » = organisation de la cité planétaire dans l’esprit d’un « développement durable ». Mais peut-être faut-il parler d’une « décroissance » harmonieuse comme le prétend Pierre Rabhi qui fut candidat à l’élection présidentielle de 2002.
L’écologie de l’esprit est la plus importante
– Parce qu’elle conditionne les autres : c’est l’art de vivre en paix avec soi-même de Pierre Weil dans son dernier ouvrage à l’UNESCO (L’art de vivre en paix, 2002, UNESCO/UNIPAIX)
– C’est une révolution permanente de soi-même dans la compréhension de la nature et de nous-même.
– Elle consiste à revoir radicalement l’esprit de fragmentation qui nous sert de guide depuis des siècles dans les sociétés modernes (depuis Descartes).
– Elle accomplit une éducation proprement « noétique ». La noèse est l’acte par lequel on pense et le noème ce que l’on pense. « Noétique », du grec noétikos, signifie qui a rapport à la pensée (noèse, du grec noêsis). Le terme renvoie ici pour moi à la « pensée du fond » (Grund) dont parle Martin Heidegger dans Le Principe de raison (Gallimard, 1983) ou encore à « la pensée de la non-pensée » hishiryo, suivant la formule japonaise du Zen.
A propos de notre « Terre-amirale »
Il y avait une fois une terre…
La terre, pour moi, c’est d’abord un coin de campagne, dans les années cinquante, aux bords de Marne. À cette époque, rien n’a été encore arrangé, mesuré, désépaissi. Les bords de la marne produisent leurs moissons d’orties, de branches mortes et de cabrioles d’enfants. Ma terre est au milieu du fleuve. C’est une île près du « trou de champs », lieu tragique où se sont noyés plus d’un imprudent. Je traverse les remous à la nage du haut de mes douze ans. Je rejoins le cœur des arbres pour y construire ma cabane. Évidemment, je suis « boy », le fils de Tarzan dont le rôle est déjà pris par un camarade plus âgé. Nous sommes les rois du monde. Notre terre, ici, devient vaisseau. Elle nous emporte sur les flots tumultueux de la rivière. A la cime des arbres, nous contemplons l’avenir. La joie est notre drapeau noir.
Nous savons plonger les mains dans la boue pour débusquer les écrevisses. Nous connaissons toutes les techniques pour couper les jeunes tiges et nous fabriquer des arcs et des flèches. Qu’un visiteur indélicat vienne troubler notre royaume et, d’un saut, nous sommes dans le fleuve, dérivant au gré des tourbillons et du courant, dans l’amitié conflictuelle de la force liquide.
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