DUFA 1991-1992, Paris 8 : Mémoires d’outre-dufa

par Christian Verrier, 2025

René Barbier avait pendant de longues années dirigé et animé le Diplôme d’université  de formation de formateurs d’adultes (DUFA) de Paris 8 à Saint-Denis.
Plusieurs pages du Journal des chercheurs évoquent déjà de cette formation marquante, très typée (ICI et ICI), qui en plus d’une formation approfondie à différentes facettes à dominantes existentielles du métier de formateur d’adultes, permettait aux étudiants de s’interroger en profondeur durant six mois à temps plein sur ce que signifient les verbes Former et Éduquer.

Tout droit momentanément sorti de la SNCF, je fus l’un des étudiants de la session 1991-1992 de cette formation, chamboulé-ébahi-déconcerté par ce tourbillon de vies intriquées dans un groupe où les apports des sciences humaines et plus particulièrement de la psychosociologie me plongeaient dans des considérations qui jusqu’alors ne m’étaient jamais venues à l’esprit.

Cette formation n’existe plus aujourd’hui, et il s’agit là d’un dommage important en une époque où les éducateurs et les formateurs ont sans doute de plus en plus de difficulté à repérer ce que pourraient bien être les finalités réelles de leur métier (s’il s’agit bien d’un métier).

La vie de groupe, intense, était peut-être, parmi nombre d’aspects d’importance, l’élément-clé de ce DUFA, aussi, dans mon mémoire de fin de formation, entre des chapitres plus situés universitairement,  j’avais intercalé une dizaine de pages évoquant au jour le jour les étudiantes et étudiants (et des situations aussi) composant ce groupe, comme autant de diapositives manuscrites, très directement inspirées du procédé des Je me souviens de Georges Pérec (1978, Hachette). Pages du vécu fragmenté du groupe, que, n’ayant peur de rien, même pas du ridicule, j’avais intitulées Mémoires d’outre-dufa.

L’entité-groupe DUFA 1991-1992 n’existe plus depuis très longtemps, pourtant l’idée me vient de lui redonner vie pour quelques instants, en reprenant mes Je me souviens de l’époque.

Avant d’y entrer, voici une photographie de ce groupe prise en avril 1992, retrouvée dans les archives de René Barbier qui l’avait conservée avec soin :

Mémoires d’outre-dufa 1991-1992

Je me souviens avoir reçu en janvier un coup de téléphone m’annonçant que mon stage pratique à la SNCF, prévu depuis novembre, tombait à l’eau.

Je me souviens que Christian Rouge a cherché pendant plusieurs jours une définition acceptable du mot consensus, et qu’aucune ne fit consensus dans le groupe.

Je me souviens qu’à ses heures perdues, Annie Odile pratiquait l’astrologie.

Je me souviens du New-âge et de l’ange posé sur l’épaule.

Je me souviens que plusieurs femmes sont tombées sous le charme d’Alain Coulon.

Je me souviens n’avoir pas fait la connaissance de Madeleine Maillebouis.

Je me souviens que durant le module Expression orale, faisant mine d’improviser une histoire, j’ai raconté un chapitre d’Impressions d’Afrique de Raymond Roussel, et que personne ne s’en est aperçu.

Je me souviens de la Programmation neurolinguistique, PNL, objet étrange venu d’ailleurs (Californie).

Je me souviens que Sylvester Stallone a reçu des mains de Jack Lang, jadis méfiant vis-à-vis du cinéma américain, la médaille de Chevalier des Arts et des Lettres.

Je me souviens de la phrase de Charles Péguy au sujet des Universités Populaires : « Les intellectuels venaient pontifier, jouer les cuistres devant un public d’ignorants tout prêts à les admirer ».

Je me souviens de la carte MNEF Campus, la Force d’un réseau.

Je me souviens que Michel Lobrot et moi sommes tombés d’accord sur le fait que Louis Ferdinand Céline était un grand écrivain et un salaud de première.

Je me souviens m’être souvent demandé : « Mais que suis-je venu faire dans cette galère  ?   ».

à suivre…. ICI