30 octobre 2011, par René Barbier
René Barbier évoquait ici son attachement au DUFA de Paris 8 Saint-Denis, formation à laquelle il avait su donner une couleur pédagogique et intellectuelle sans doute assez unique dans le paysage des formations de formateurs d’adultes
Au début des années soixante-dix, Nicole Meyer, Jacques Ardoino, moi-même et quelques autres enseignants de l’université Paris 8, nous n’avons pas hésité à investir du temps et de l’énergie inventive pour construire la formation permanente universitaire. L’idéologie de l’époque n’était pas favorable. La formation permanente était taxée de subordination au patronat. Beaucoup de collègues refusaient de voir que ce que nous appelions de nos vœux, l’éducation permanente, était, au contraire, un atout majeur pour l’avenir des salariés n’ayant pas eu la chance d’être des “héritiers” de la scolarité dominante. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et les blocages se sont quelque peu déliés, même si nous constatons, malheureusement, que notre espérance de départ – l’éducation continue pour tous – s’est rétrécie en fonction des impératifs et des enjeux d’un néolibéralisme fonctionnel contre lequel nous devons, sans cesse, lutter.
C’est dans ce cadre que nous avons créé la revue Pratiques de formation/Analyses qui continue sa diffusion aujourd’hui avec une ouverture internationale. Mais, principalement, j’ai été le principal artisan dès que j’en ai pris la direction pédagogique dans les années 80, de son orientation “existentielle”. Ce DUFA de l’université Paris 8 a formé plus de 500 personnes qui se trouvent maintenant dans différents niveaux de responsabilité au service des adultes. Ce diplôme est bien reconnu sur la place de Paris et même en province pour la qualité humaine et la compétence clinique, pluridisciplinaire et interculturelle de ses diplômés. Chaque année, le recrutement de sélection s’effectue sans avoir besoin de passer par une publicité tapageuse, comme tant d’autres cas. Elle se fait de bouche à oreille.
Les futurs participants viennent suivre cette formation en connaissance de cause. Souvent ils ont été en difficulté avec le monde scolaire, même s’ils ont réussi à obtenir des profils professionnels non négligeables dans différents domaines. Il leur manque une reconnaissance, à leurs propres yeux, du monde universitaire. Ils choisissent ce DUFA pour son projet explicite à dimension existentielle. Ce projet est affiché dès le départ et accessible à tous sur le site de l’université. Nous pouvons ainsi en discuter lors de la sélection et passer un contrat de confiance avec les participants.
Il est fondé sur l’approche multiréférentielle, interculturelle et qualitative de la formation. Il s’appuie sur une problématique d’hétérogénéité des cursus, des origines sociales et ethniques, des enseignants, des styles pédagogiques etc., mais sans jamais oublier la relation humaine interactive entre stagiaires et formateurs. Il ne néglige pas l’approche plus philosophique en termes de valeurs et d’éthique de l’éducation.
Une ambiance extrêmement conviviale se constitue rapidement dans le groupe, par le style d’animation proposé. La pédagogie se veut non compétitive et l’enseignement mutuel est favorisé. Une grande part d’initiative est reconnue aux stagiaires. L’esprit scolaire est mis à l’écart au profit du désir de savoir et d’une écoute sensible étayée par des enseignants-éducateurs, aussi bien liés à la profession qu’à l’enseignement supérieur. D’anciens professeurs de l’université de prestige international (Michel Lobrot, Jacques Ardoino) ou d’autres appartenant à des universités plus centrales (Bernard Darras, Florence Giust-Desprairies) et de nombreux maîtres de conférences viennent former les “dufistes” depuis des années parce qu’ils éprouvent un véritable plaisir d’enseigner. Le niveau d’enseignement est de ce fait à la fois plus élevé que dans la plupart des cursus de ce type de formation et en même temps très ouvert. La qualité des mémoires de fin d’année atteste de cette ouverture. Ce ne sont pas des mémoires scolaires mais de véritables travaux de recherche existentielle centrés sur le sujet apprenant en situation et en rapport avec la formation des adultes tout le long de la vie. Aujourd’hui, Jean-Louis Le Grand, directeur de l’UFR 8 et professeur de Sciences de l’éducation, dirige officiellement ce diplôme depuis mon départ à la retraite. Néanmoins, j’en assure encore pendant quelque temps l’animation pédagogique avec Mehdi Farzad, directeur pédagogique du Collège coopératif de Paris, institution universitaire fondée par Henri Desroche dans l’esprit de la recherche-action.