lundi 12 janvier 2015, par René Barbier
“La contemplation des chiffres épuise l’âme. Ils sont à plaindre, les yeux du monde. ” [1]
“J’ai rêvé cette nuit que quelqu’un dont je ne voyais pas le visage me disait : “Il n’y a pas d’autres preuves de l’existence de Dieu que les preuves poétiques” (p. 54).
“Toute pure contemplation fait s’écrouler en silence les murailles du temps.” (p. 51)
Retentissements
Lorsque nous pénétrons dans le silence frais, nous découvrons l’huître du monde dans laquelle la perle ne s’arrondit plus parce qu’elle est devenue la rondeur radicale.
Agnès est dans ma mémoire une plume blanche emportée par un torrent impétueux.
Le passé tombe dans la crevasse du temps.
Mais je m’aperçois sans cesse que je suis à la fois cette plume, ce torrent et ce quelque chose qui les contemple de toute éternité.
Au petit jour, Brindille est à la nuit glissante, la corde de l’alpiniste dont le corps qui dérape, s’engloutit dans une avalanche de rêves.
À propos du Très-Bas [2]
Pour entendre le Très-Bas, ne faut-il pas l’extraire du royaume du signifiant, de l’apanage du langage, et l’appeler le très-bas ?
Ainsi la cathédrale devient chaumière.
Alors le chant d’une alouette devient symphonie.
Alors la poésie prend sa source dans le “presque-rien”, à hauteur d’homme, entre la nuit et le jour.
Le temps est une fusée bleue qu’une hirondelle arrache au monde.
Je ne crois pas en Dieu mais en l’énergie qui disperse l’espace vers la lumière absolue. La croyance en Dieu se heurte chez moi, comme chez André Comte-Sponville, à la Grande Muraille de la pensée.
La foi qui pourrait l’éclipser est un imaginaire radical que je ne possède pas. Mais l’expérience singulière d’une “autreté” (Krishnamurti), je connais.
Un dépassement de mon existence dans une totalisation en cours d’énergie qui englobe tout ce qui est et qui relie tout dans un flux d’amour/compassion pour tout ce qui vit.
Une épreuve du sacré comme fait vécu.
Cette expérience constitue ma charpente d’être et mon inspiration poétique radicale.
[1] Christian Bobin, Carnet du soleil, les éditions Lettres vives, 2011, p. 21, dédié à Ghislaine Marion, “la plus que vive” comme il la nomme dans un autre recueil.
[2] Christian Bobin, Le Très-Bas, Gallimard, Folio, 1992, 131 p. Un texte dit par Michael Lonsdale https://philoma.org/wp-content/uploads/docs/2012_2013_Leading_with_Wisdom/Bobin_Christian_-_Le_Tres-Bas_-_Lu_par_Michael_Lonsdale.mp3