Petite philosophie de la fenêtre

à Remi Hess

par René Barbier (2009)

Remi Hess, mon collègue et ami de l’université Paris 8, dans un livre récent consacré à sa théorie des moments et à Henri Lefebvre [1], parle du  « moment »  de la maison et du moment du  « jardin »  , entre autres. Son sens de la réalité quotidienne qui se déroule entre le banal et la surprise, m’a donné envie de penser la question de  « la fenêtre » comme moment du regard à partir de la maison. Ce moment devient un espace de transduction pour penser les crises de l’existence.

La fenêtre comme ouverture sur le monde est l’objet de la réflexion philosophique. Il est inimaginable de construire une maison sans fenêtres. Toute habitation se doit de posséder une ou plusieurs fenêtres pour le meilleur et parfois pour le pire. Gilles Deleuze, à bout de souffrance, se jette, un jour, par sa fenêtre pour en finir avec une vie impossible. Sur le bord de ma fenêtre se pose une hirondelle que j’observe sans faire de bruit. Un instant de bonheur.

La fenêtre présente cet intérêt qu’elle s’ouvre de deux manières différentes. Pour ce qui est des volets, ils s’ouvrent de l’intérieur vers l’extérieur et de referment à l’inverse. Les deux battants de la fenêtre s’ouvrent de l’extérieur vers l’intérieur et se referment à l’inverse également, tout en restant, malgré tout, dans le périmètre intérieur de la maison. Cette caractéristique de la fenêtre suscite notre réflexion par transduction.

Fermer les volets de la fenêtre implique que nous allons nous protéger des intrus possibles dont la lumière du jour. Le jour aussi est un intrus en effet quand nous ne sommes pas prêts à le recevoir et que nous avons encore sommeil.

L’intrus cambrioleur est assurément un danger potentiel dont nous nous protégeons par la fermeture des volets.

La fenêtre, elle, par ses vitres transparentes, nous permet de voir l’extérieur tout en restant à l’intérieur de la maison. Le soleil pénètre ainsi dans la maison, nous pouvons voir le paysage alentour, les gens qui passent, mais nous restons dans notre univers. Derrière nos vitres, l’orage peut être contemplé sans danger.

La fenêtre est le seuil véritable entre nous et le monde, bien plus que la porte d’entrée qui est le plus souvent opaque. Par la fenêtre on peut faire signe à l’autre sans aller plus loin ou au contraire l’ouvrir pour discuter. La fenêtre atténue les bruits du monde et nous renvoie ainsi à notre propre bruit personnel. Mais elle n’empêche pas vraiment d’entendre les autres ou le chant des oiseaux en bruit de fond.

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[1] Remi Hess, Henri Lefebvre et la pensée du possible. Théorie des moments et construction de la personne, préface de Gabriele Weigand, Paris, Economica-Anthropos, 2009, 685 p.