Un recueil de poèmes de René Barbier
Main sur le cou
D’une rose
Ou d’un oeillet
Il le fallait
Le jour des fleurs
Et des grands masques
Mains décuplées multipliées
Qui se poursuivent
Qui se confondent
Dans le lilas du petit jour
Dieu dit-on
A les mains blanches
C’était prévu
Avec des mains invisibles
On change de couleur
On se déshabille
Sans être vu
Dieu je sais
A les mains noires
Comme mes cheveux
Mais c’est une autre histoire
Semblables à des oiseaux migrateurs
Les mains des amants reviennent toujours
A l’appel des sources
Elles sont craintives
Il ne faut pas toucher
Aux écureuils qu’elles forment
Avec leur ombre
On les rencontre au bord des rivières
Ou des lilas
Parfois le louis d’or d’une clairière
Dans le triangle d’un chemin
Et comme hier comme demain
Nos regards jettent leur cage
Sur ces mains imprenables
Un coup de main
Un coup de feu
Demain
Deux mains inutiles
Avec bien entendu
L’espoir sauvé des os
Une main
Et cinq doigts
Pas plus
Sur le dessus
L’aiguillage des veines
Où l’on entend le sang
Quand il passe
Sur le dessous
Le gouffre de la paume
Où converge tout
Ce qui est terrifiant
Que deux mains se rencontrent et déjà
Une légende prend sa source
Main de femme Main luisante bien sûr
Seule lisière au désir fauve
Main d’homme ouverte comme une église
Où elle viendra se déposer
Effervescente
Main faite pour deux
Si conciliante
Tout un appel issu d’ailleurs
Qui pesait trop
Main dans l’ombre d’une tête
Main tachée d’encre
Main de poète
Crispée sur le stylographe
Comme sur une faucille
Main qui dessine
Des mots de connaissance
Mais qui les déshabille
Mots retombés en airelles
Sur la page marécageuse
Main qui rature et qui dégage
Une ligne sinueuse
Ce lange noir du Mystère
Avez-vous vu
La main du diable
Plus noire que
Brûlante comme
Avez-vous vu la main du diable
Quand il a pris
Un tesson de bouteille
La main une ouverture
Et le lièvre de sang qui détale
On le retrouvera
Figé sur la chaussure
Il n’y a plus de lièvre
Il n’y a plus de sang
Mais sur la main blessée
L’eau oxygénée pend et
Balbutie
Une main de femme
Rien qu’une main
Bordée de la dentelle
D’un chemisier
Et sur la tasse 1920
L’os de ses doigts
Son visage brouillé
Mais autre part
La main nouvelle
Une main jeune
Une aquarelle
Sur le cuir d’un bolide
Mains détachées sur le lit blanc
Deux mains sans doute
Etrangères mais intimes
Mains dont les ongles bleuissaient
Quand elle et lui flottant dans le noir
Très loin au-dessus de la ville
N’étaient plus qu’un point vivant
A la croisée des parallèles