Lettre pour deux jeunes parents

Par René Barbier, 2003

A Plume

Le concept d’enfant écrase l’enfant à naître.

Il faut avoir posé la main dans l’Univers, une seule fois,

Pour connaître à quel point, il peut être un manteau

Sur un landau, par temps d’hiver.

Alors, rien à craindre !

La vie est broussailles.

Qui croit au lierre risque l’orage.

L’enfant est une forme ensoleillée dont les parents accueillent le vide créateur.

Il éclaire s’ils sont la flamme d’une chandelle.

Il s’éteint si personne ne reconnaît ses braises.

L’enfant est un mineur de fond.

Contempler son sourire pour découvrir le diamant de la présence.

Son jeu trouble tous les jeux savants.

Sa rage amplifie l’espace et nous déroute.

Sa souffrance est infinie quand elle ne rencontre pas l’enfance dans les yeux d’un adulte.

Il prend le large quand on le laisse jouer avec l’horizon.

On ne doit pas l’arrêter, simplement lui faire voir la frontière qui délivre des enclos.

Il est l’élan vers l’illimité qui l’appelle comme un aimant.

Une aiguille d’or qui perce le ballon rouge du sérieux.

Rester près du feu de l’enfant sans se brûler et sans l’étouffer.

Ecouter ses petits mots pour nous sortir des grands maux.

Toucher sa paume pour apprivoiser la tendresse.

Apprécier ses gestes pour réinventer l’avenir.

Partir avec lui vers la mer.

Changer le monde en marchant dans une flaque d’eau.

Dire bonjour au petit jour et bonne nuit à ce qui s’éteint.

S’endormir à la fin comme il s’endort

L’enfant fait de l’instant un verre de menthe

Quand le désert brûle les yeux.

Quand la gorge est la forge du cri.