L’éducation à l’Intelligence du Monde

par René Barbier (années 2000)

Il est un chemin qui vous fait dériver vers des régions largement inconnues : c’est celui de chercheur en sciences humaines.

Au départ, je me souviens, tout semblait évident pour le jeune assistant en sociologie qui s’activait à l’université à la fin des années soixante. J’étais dans une discipline légitime, avec un directeur de recherche reconnu, au sein d’un courant théorique et méthodologique qui avait le vent en poupe et qui proclamait bien haut, avec Pierre Bourdieu, que « la sociologie est une science » (Bourdieu et al, 1973).

Le chercheur scientifique est un pêcheur de réalité. Il tisse un filet théorique et méthodologique constitué de concepts et de savoir-faire technique. Il le lance dans l’océan du réel avec précaution. Dans la mesure où il connaît les bons endroits de pêche et avec un peu de chance, il ramène, des grands fonds, quelques poissons qui vont satisfaire, plus ou moins, sa faim de connaissance. Mais souvent, sa pêche n’a rien de miraculeux et ses poissons ne sont que vieilles chaussures ou de merveilleux dessins d’enfant.

Il y a mille façons de construire un filet de pêche dans le domaine scientifique. De nombreuses écoles sont constituées et défendent jalousement leur manière de faire, de dire et d’interpréter. À tel point que les chercheurs, bien qu’ils soient tous des pêcheurs de réalité, ne se comprennent plus entre eux.

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NB : initialement placé sur l’ancien Journal des Chercheurs (années 2002-2017), ce texte contient des liens internet conduisant à des emplacements qui ont été perdus, mais qui pourront dans certains cas être rétablis sur le long terme en fonction de la recherche d’archives. Comme pour certains autres textes de René Barbier présentés par le Journal des chercheurs nouvelle formule (depuis 2022), il s’agit parfois de textes soit inachevés, soit proposés dans une version non définitive, d’où ici et là de petites imperfections qui auraient été éliminées par l’auteur s’il avait envisagé une publication, ou avait eu le loisir d’y travailler à nouveau. Cependant, pour ne pas perdre l’avantage d’au moins pouvoir en prendre connaissance tels qu’ils sont demeurés, ils sont donnés à lire malgré tout, considérant que le lecteur saura en tirer son miel en dépit de petits inconvénients.