2003, par René Barbier
L’Occident n’a jamais encore vraiment rencontré l’Asie. Il faut partir de cette affirmation, à première vue paradoxale, pour comprendre l’enjeu actuel des contacts interculturels entre l’Occident et l’Orient. Rien de moins que la reconnaissance de l’Autre dans sa plénitude d’être, son altérité spécifique, sans compromis, sans tentative d’intégration plus ou moins truquée.
L’Orient a souvent été conçu en France, avant tout, comme le Moyen-Orient, l’Afrique du nord, l’Eypte, le Liban, la Syrie, l’Iran, etc. dans les récits de voyage, du fait de l’histoire de l’empire colonial aussi bien français qu’anglais, allemand ou belge (principalement en Afrique noire). Certes, il y avait bien également l’Indochine, les comptoirs français des Indes et la lointaine Chine, explorée par la Route de la soie et, sur le plan scientifique, par l’Ecole Française d’Extrême-Orient, qui avait réussi à introduire une transcription linguistique des idéogrammes chinois légitimée pendant longtemps. Mais en fait, l’histoire des relations entre l’Occident et l’Asie est une histoire d’un extraordinaire échec de compréhension interculturelle, renforcé et accentué par le jeu de l’imaginaire lié aux rapports de force (Barbier, 1999). Ce malentendu risque fort de continuer aujourd’hui, malgré l’engouement de nos contemporains pour les voyages touristiques à l’étranger et l’impact de la mondialisation. Rien, en effet, ou presque, n’a encore été résolu, malgré l’abondance de la littérature consacrée aux spécificités culturelles et spirituelles de l’Asie.
L’Occident avance vers l’Orient avec une certaine arrogance quant au savoir, au savoir-faire et au savoir-être. Sa dernière trouvaille par la mondialisation inféodée à la culture nord-américaine, consiste à imposer une conception du monde mercantile, prétendument démocratique, et fondée sur une religiosité dichotomique entre Bien et Mal. Si cette stratégie réussit, ce sera l’ultime échec des relations interculturelles occidentalo-asiatiques.
L’Occident a pourtant eu plusieurs occasions d’apprendre quelque chose de l’Orient. La relation avait bien commencé vers la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, notamment en Allemagne, chez les artistes et les écrivains. Mais la suffisance intellectuelle et économico-scientifique de l’Occident, doublée de son impérialisme religieux et militaire, a toujours fait échouer la rencontre.
Il faut remonter aux conquêtes d’Alexandre le Grand (fin du IVe siècle avant notre ère) pour parler de la première rencontre Occident-Orient, même si le conquérant macédonien ne dépasse guère l’Indus, à cette époque, et accepte de ne pas connaître les confins du monde dans les représentations coutumières (Terre plate au milieu d’un océan suspendu dans le vide). Il s’agit bien d’une conquête militaire. Mais Alexandre, assez intelligent pour entrevoir les possibilités d’un métissage fructueux pour sa propre culture, laisse sur place quelques-uns de ses principaux lieutenants avec leurs soldats. Ils se marient avec des Orientales et fondent des royaumes indépendants (Bactriane, Sogdiane, Transoxiane au nord de l’actuel Afghanistan). Les descendants d’Alexandre vont ériger une véritable civilisation métissée entre les cultures grecques et les cultures indo-bouddhiques (art spécifique en sculpture et en architecture). L’un des principaux textes spirituels de l’époque, le Milindapanha (les discours de Milinda) expose le discours du sage Nagasena avec le roi Milinda (Ménandre) sur les fondements de la doctrine bouddhique. Le texte restera longtemps disponible dans sa double version sanscrite et grecque.
Dès le début de l’ère chrétienne, l’Empire romain s’implante au cœur de l’Asie mineure. Une représentation diplomatique indienne du monarque Kanisha (vers 150 après Jésus-Christ) est dépêchée à Rome. On peut penser que des érudits brahmanes séjournèrent en Grèce et en Italie à cette époque de grands bouillonnements métaphysiques. Néanmoins, il ne sort pratiquement rien de cette rencontre qui dura des années, si ce n’est d’étranges coïncidences entre les pensées d’un Marc-Aurèle ou d’un Epictète par exemple et la notion indo-bouddhique de “délivrance” (Moksha).
Ce n’est qu’au VIIe siècle que la propagation de l’Islam va s’étendre dans toute l’Asie mineure, annexant l’Europe du Sud et menaçant le coeur de la chrétienté, le royaume franc et les pays slaves et germaniques. Vers l’Inde, Mohamed Ibn-Qasim échoue dans un premier temps, mais dans les cinq siècles qui suivent d’autres conquérants musulmans vont créer des royaumes en Orient et aboutir au sultanat de Delhi. L’incursion de Timour Leng (Tamerlan) en 1398, dans les plaines du Gange, aura pour résultat la décapitation de 100 000 prisonniers hindous.
Au début du XVIe siècle l’Inde du Nord est entre les mains d’une dynastie afghane, les Lodi qui, en 1524 sera écrasée près de Delhi par un descendant de Tamerlan, Babur. Il fondera l’empire des Grands Moghols. La conquête musulmane chasse définitivement le bouddhisme de l’Inde, pourtant florissant. Celui-ci ira s’établir en Chine, au Japon, au Tibet et dans toute l’Asie du Sud-Est.
L’intolérance et le fanatisme missionnaire de l’Islam entraîne une réaction du côté de l’hindouisme qui retrouve une vitalité et une ardeur perdue sous l’influence bouddhique. Les grands courants de l’hindouisme médiéval s’épanouissent : Advaïta Vedanta, Vedanta dévotionnel de Ramanuja, Samkhya, Tantrisme, Vishnouisme, Shivaisme, Shaktisme et toutes les formes de yoga. Pourtant quelques souverains musulmans sont d’une ouverture interculturelle extraordinaire, comme Akbar (1542-1605), sans doute parce qu’il est doté d’une attitude spirituelle intense et questionnante. Les débats nombreux de l’époque ne satisfont pas son inlassable curiosité et l’approche des soufis profondément tolérants et leurs expériences directes de la réalité spirituelle, le charment.
On ne peut oublier l’action aventureuse de certaines personnalités comme Marco-Polo dont le livre fabuleux Le livre des Merveilles du Monde paraît en 1298 et nous montre le règne de Kubilai Khan ou encore Jean du Plan de Carpin au XIIIe siècle. Il ne faut surtout pas oublier l’action des jésuites en Chine dès le XVIe siècle. Missionnaire italien en Chine, Matteo Ricci (1552-1610) est tellement fasciné par les coutumes religieuses locales qu’il donne naissance à ce que l’on va appeler la “querelle des rites”. Il veut prouver que la religion chrétienne n’est pas étrangère et qu’elle achève ce que les Chinois ont de meilleur. Il prend l’habit des lettrés, maîtrise leur langue, converse avec eux, publie des livres. À sa mort, l’empereur lui concède une tombe (à Zhala), ce geste étant une sorte de reconnaissance légale des Jésuites.
La première période d’intrusion des Jésuites, de 1552 à 1686, est celle du Padroado portugais. Paradoxalement, le monde chinois est abordé au Japon par François Xavier. L’Italien Ruggieri se laisse assimiler aux bonzes bouddhistes ; avec Matteo Ricci, il réussit à mettre pied, en 1583, à Zhaoqing et, en 1601, à Pékin. Avec beaucoup de prudence, il s’adresse aux lettrés, se heurte au problème des termes et à celui des rites. Rome approuve sa thèse (1645). Si la conception d’Église hiérarchique bénéficie du contexte socio-psychologique, ne heurtant pas les relations sociales traditionnelles, la Chine pourtant ne se convertit pas comme les Philippines, le Tonkin et (provisoirement) le Japon : elle n’a que 200 000 chrétiens, 159 églises jésuites, 21 dominicaines, 3 franciscaines, quand elle expulse les missionnaires à Canton (1664-1671).
La deuxième période, de 1688 à 1775, correspond à l’Europe des Lumières. Cinq « mathématiciens du roi » (Louis XIV) arrivent à Pékin en 1688 ; la mission française est séparée de la vice-province portugaise en 1700. Boudée par les lettrés, l’Église ne s’adresse plus qu’aux petits gens et subit des persécutions. En 1764, Louis XV supprime la Compagnie de Jésus en France ; Clément XIV, par un bref de 1773, la détruit ; le dernier ex-jésuite meurt, en 1813, après avoir publié la Bible en chinois et en mandchou.
La troisième période, de 1842 à 1949, couvre la fin de l’Empire et l’époque de la République. Par le traité de Nankin, en 1842, cinq ports chinois sont ouverts au commerce étranger, et des diplomates installés à Pékin. Le traité Lagrenée, en 1844, comporte une clause de liberté religieuse ; la France se fait la protectrice des missions catholiques. Les Jésuites, rétablis en 1814, rentrent en Chine (ils sont à Shanghai en 1842). La congrégation de la Propagande les voudrait à Pékin comme astronomes ; ils s’installent à Nankin et à Xianxian (1850) aidés d’auxiliaires chinoises (Shanghai, 1855) et, la chose est nouvelle, de religieuses d’Europe : à Shanghai, les Filles de la Charité s’établissent en 1846, les Auxiliatrices en 1867, les Carmélites en 1869. Les Jésuites développent l’enseignement de la science : ils fondent en 1843 le séminaire chinois, en 1850 le collège chinois, en 1871 l’observatoire (la carte des typhons est établie par le père Froc), en 1903, avec Ma Xiangbei, l’université l’Aurore.
Sous la République, suivie en 1917 d’une révolution culturelle, l’influence anglo-saxonne est écrasante. La population catholique, qui compte moins de 500 000 personnes en 1885, dépasse le million en 1907, les deux millions en 1922, les trois millions en 1937, avec, en 1948, 97 évêques, 2 676 prêtres chinois, 3 015 missionnaires étrangers ; sur les 888 jésuites, 269 (dont 94 prêtres) sont chinois (Encyclopédie Universalis).
Après l’engouement des Lumières pour le “sage chinois” (Junzi), l’écrasement de la Chine par la Guerre de l’opium et sa situation quasi coloniale de 1840 à 1949 ont modifié en Europe l’image du mandarin, cette figure symbolique de la Chine. On ne connaît plus guère que son costume, c’est-à-dire son uniforme, ses ongles en tire-bouchons, c’est-à-dire son oisiveté, sa natte, dont on ignore qu’elle est le signe de son asservissement à la dynastie étrangère des Tatars mandchous. Si l’on se veut indulgent ou ironique, on parle de “mandarin subtil”.
La dernière mode de la rencontre Occident-Asie se réfère à l’extraordinaire engouement pour les voyages lointains chez les touristes d’aujourd’hui, notamment avec l’essor du troisième âge. Elle va de pair avec le phénomène de mondialisation économique et culturel largement dominé par les pays du nord qui cherchent des débouchés économiques en Asie. Nous restons dans le même esprit de conquête. Seuls quelques êtres d’exception, mis à part les sinologues érudits, vont aller voir plus avant pour d’imprégner de la sagesse chinoise dans leur vie quotidienne. C’est plutôt le tourisme de masse qui s’impose et la mode des voyages ne permet guère une rencontre digne de ce nom. Nous sommes loin de ce que Bernard Fernandez, dans son livre sur L’identité nomade (2002) nomme l’attitude d’immersion-intergration. Dernière étape d’un parcours existentiel ou voyageur impliqué après l’immersion-adaptation et l’immersion-compréhension.
Sur le plan profond et spirituel il faut attendre 1893 pour assister à un début de dialogue entre Occident et Orient, avec le “Parlement des Religions” et son congrès mondial organisé à Chicago. On y verra l’intervention d’un sage célèbre Vivekananda, formé en Occident, qui révélera les aspects les plus mystiques de l’hindouisme. Les philosophes occidentaux ont d’ailleurs largement barré la voie à une reconnaissance de la pensée chinoise au XIXe siècle et au XXe siècle. Il faut dire qu’après une période d’ouverture liée au pré-romantisme en Allemagne, Hegel s’est efforcé de refermer la porte vers l’Orient. Elisabeth Marx, dans sa thèse de doctorat soutenue à l’université Paris 8 en 1994 et intitulée “Implication et connaissance. Discussion sur la contradiction entre deux logiques ; pour une autre éducation et une autre histoire des rapports Nord-Sud”, nous montre qu’Hegel opère une classification pour le moins discutable. Il parle d’abord des cultures exprimant la manifestation d’une “certitude sensible” liée à la nature. Il classe d’emblée les esquimaux comme des peuples sauvages en proie à la mentalité magique, cette magie qui est “la forme la plus grossière, la plus simple de la religion” (p.105 de la thèse). Il y ajoute les Africains et les populations négroïdes en général qui ne peuvent se séparer de la nature et qui, de ce fait, ne peuvent accéder à une culture spirituelle supérieure.
Le deuxième degré est incarné par les Mongols, tandis que les Chinois sont au sommet de cette première classification. Dans la marche dialectique de l’Esprit à travers l’Histoire, les Orientaux (Inde et Chine) constituent une autre classe : ils ne “savent pas que l’Esprit ou l’homme en tant que tel est en soi-même libre. Parce qu’ils ne le savent pas, ils ne le sont pas” (p. 111 de la thèse). Ce n’est que dans le christianisme que les hommes découvriront vraiment le sens de leur liberté. Le judaïsme fait partie de l’Orient pour Hegel, comme le signale Michel Hulin (1979), mais il est vrai, d’une certaine façon, puisque les “monstrueuses beautés incultes de l’esprit oriental” enfantent “l’esprit servile du judaïsme”. La conscience percevant s’élabore avec le passage de “l’innocence de la religion des fleurs” à la “culpabilité de la religion des animaux” en Inde. Puis en Egypte pour aboutir, enfin, à la “religion esthétique” en Grèce, moment de “la conscience de soi” qui s’achève dans “la religion révélée” dans l’Empire Germanique. Hegel n’hésite pas, dans les Principes de la philosophie du droit, à aborder l’Orient à partir de l’Etat, c’est-à-dire à partir du problème politique et non plus à partir de la religion. Ce faisant, il relie les principes d’organisation sociale et politique à la dialectique des formes de conscience religieuse. Dans l’évolution hégélienne des cultures, l’Extrême-Orient (Chine et Inde) incarne l’aube de l’humanité. Chine et Inde représentent un Orient pétrifié qui n’arrive pas à se dégager de la nature, tandis que la Perse représente déjà un Orient vivant et historique lié au mouvement de l’Histoire. Après ce coup de butoir intellectuel, peu de philosophes oseront invoquer leur intérêt pour l’Orient. Le cursus de la formation des enseignants de philosophie répond et accentue cet ostracisme à l’égard de l’Orient, au cœur d’une véritable “amnésie philosophique” (Droit, 1989).
A bien y regarder, l’échec de la rencontre entre l’Occident et l’Orient résulte d’une méconnaissance de l’altérité dont nous parle J. Ardoino dans son éditorial. Il s’agit bien de la différence culturelle radicale entre une vision dualiste (Occident) et une vision non-duelle (Orient) de notre rapport au monde. L’Orient le plus profond est fondamentalement spirituel mais sa spiritualité est de l’ordre de la “non-dualité” (Loiseleur, 1981), au-delà de toutes classifications rassurantes des monothéismes occidentaux du Judaïsme au Christianisme en passant par l’Islam (excepté le soufisme). On retrouve aussi bien dans la pensée taoïste, le bouddhisme ou l’hindouisme, un fond inaliénable de représentations des rapports au monde reliées à la non-dualité comme l’a bien vu Patrick Ravignant (1999). L’Occident a des difficultés à comprendre la non-dualité, excepté quelques-uns de ses meilleurs mystiques (Maître Eckhart, Jacob Boehme, Angelius Silésius, etc.). Les religions monothéistes dont il s’inspire posent le postulat d’un Dieu créateur qui fabrique un monde naturel et humain “à son image”. Elles imposent ipso facto la nécessité d’une pensée de la séparation, de la coupure, entre une entité absolue, impossible à égaler et une créature déchue, à l’existence tragique. Certes, dans la spiritualité chrétienne, la résurrection des corps dont le Christ a donné l’exemple, dans une époque lointaine et future de Parousie, pourra résoudre le problème de la séparation. Mais, dans la vie quotidienne, actuelle, la vision tragique de la séparation demeure et imprègne toutes les catégories de pensée, y compris celle de la science.
L’Occident est sans cesse sous l’épreuve du “manque”, comme sa psychologie, la psychanalyse l’a d’ailleurs bien montrée. L’Orient ne manque pas, malgré son extrême pauvreté matérielle. Sa vision est celle d’une plénitude au cœur d’un Vide créateur dans lequel tout se tient. Même aujourd’hui en Chine, le voyageur, un peu conscient de la tradition, reconnaît ce fond culturel dans le quotidien des Chinois. Il suffit d’aller dans les parcs le dimanche et de contempler les Chinois avec leurs mouvements de Taï Ji Quan, leurs cerfs-volants dans les airs, leurs oiseaux chanteurs… et en fin de compte leur rapport au corps non séparé du cosmos, pour s’en rendre compte (Barbier, 2002). De tous temps, les peintres, les poètes, les artistes ont magnifié cette vision de plénitude intrinsèque à cette source spirituelle. C’est la notion de “Vide et de plein” de François Cheng (1991), c’est “le désir de beauté” de Lê Thanh Khôi (2000).
La vision religieuse séparatrice est source du désir de toutes les conquêtes. Elle ne peut se satisfaire de ce qui est. Elle exige toujours plus de tout le monde. On comprend qu’elle se termine par des reconquêtes de lieux soi-disant saints, des Inquisitions et des exclusions meurtrières. Si elle était congruente avec elle-même, elle irait jusqu’au bout de sa logique et déboucherait sur la pensée d’un sage comme Mani (François Favre, 2003). Le dernier avatar de cette vision est bien représenté par l’idée de mondialisation axée sur les pays du nord monothéistes. Son Grand Gardien semble être désormais les Etats-Unis d’Amérique, avec une pensée franchement dichotomique entre Bien et Mal, ou toute réalité complexe est exclue. Cette “pensée unique” a de nombreux défenseurs, même parmi les philosophes (J.F. Revel). Elle se distille et s’impose dans toutes les sphères de la vie sociale, politique, culturelle du monde, sous couvert de démocratie. Avec elle, aucune chance de comprendre l’Asie. Tout au plus, un simulacre de bienveillance pour tenter de la dominer par l’économie, la science et la technique. L’Orient lui rend bien sa méfiance et développe une stratégie purement utilitariste qui perdure encore aujourd’hui. Prendre les retombées technologiques de la science, se former à son efficacité, sans adhérer aux valeurs culturelles et à la philosophie de la vie de l’Occident. C’était déjà la perspective des Lettrés chinois qui accueillaient les Jésuites au XVIe siècle. L’influence draconienne de la mondialisation économique, informative et culturelle va – peut-être – jeter une zone d’ombre sur ce tableau d’une fonctionnalité parfaite. Comme l’ont démontré les sociologues, il existe des “effets pervers” insoupçonnés dans les systèmes sociaux. La Chine ancestrale risque d’en faire les frais.
A l’encontre d’une telle attitude, ce numéro vise à donner la parole aux asiatiques eux-mêmes, parmi les plus jeunes dans la recherche en sciences humaines. Elle se place sous l’égide de l’éducation, qui est un élément indispensable pour comprendre l’Orient et le Chine en particulier. Peu d’études existent encore sur l’éducation en Chine. Un numéro exceptionnel de la revue Perspectives chinoises (2001, Hong Kong) ou une étude du Ministère des Affaires Étrangères français, par son attaché linguistique, sont de rares exemples (Grenié, 2003). Elle fait suite à un numéro de Pratiques de Formation/Analyses datant de plus de dix ans qui était consacré “aux approches non-occidentales de l’éducation et de la formation” (n°22-23, 1991). Ce numéro proposait déjà une ouverture sur une autre façon de parler d’éducation. Le numéro qui suivra ce présent numéro sur la Chine, sera consacré à l’éducation en Corée et au Japon, essentiellement. Ainsi se terminera une trilogie éducative, éclairant un peu un pan de connaissance largement non défriché encore actuellement.
Bibliographie
BARBIER R., 1999, “Le Guerrier, la Femme et l’Éducateur, articulation et dialectique des schèmes héroïque, mystique et synthétique dans l’imaginaire social en Occident à l’égard de la Chine”, Troisième Congrès International d’Actualité de la Recherche en Education et Formation (AECSE, Bordeaux, 28-29-30 juin)
BARBIER R., 2002, “L’imaginaire du corps dans la Chine contemporaine : une approche transversale”, sur le site web Le Journal des chercheurs
CHENG F., 1991, Vide et plein. Le langage pictural chinois, Paris, Seuil, 262 P.
DROIT R-P., 1989, L’oubli de l’Inde, une amnésie philosophique, Paris, Seuil
FAVRE F., 2002, Mani, Christ d’Orient, Bouddha d’Occident, Editions du Septenaire, 666 p.
FERNANDEZ B., 2002, Identité nomade, de l’expérience d’Occidentaux en Asie, Anthropos, 278 p.
GRENIE M., BELOTEL-GRENIE A., 2003, SCAC – Pékin, La réforme en cours du système éducatif chinois, consacré à la Chine et l’éducation
HULIN M., 1979, Hegel et l’Orient (avec un essai de Hegel sur la Bhagavad-Gîta), Paris, J.Vrin
LÊ THANH KHÔI, 2000, Un désir de beauté, Paris, Horizons du monde, 223 p. (nombreuses illustrations en couleur)
LIANG SHUMING, 2000, Les cultures d’Orient et d’Occident et leurs philosophies, Paris, PUF, coll. Institut Marcel Granet.
LOISELEUR V., 1981, Anthologie de la non-dualité. Le miracle du oui, Paris, La Table Ronde, 215 p.
PERSPECTIVES CHINOISES, Dossier éducation, N°65, mai – juin 2001, Hong-Kong, CEFC, http://www.cefc.com.hk/
RAVIGNANT P., 1996, Les Versants du Silence. Aux sources de la mystique occidentale et orientale, Paris, Dervy