René Barbier, le 16/03/2015
Comme un long fleuve tranquille
Notre inconscient porte les morts de l’Histoire
Sous la mitraille de par le monde
Nous sommes tous frères de reliance
Silencieusement touchés
Dans le calme de nos pays
On ne le sait pas
On fuit
Excepté dans nos rêves
Je suis dans une rue dévastée d’une petite ville quelque part en Syrie. C’est une localité sous le joug des hommes en noir. Elle est régulièrement bombardée par les avions de l’autre bord. Ce jour-là, la population – jeunes et vieux, femmes voilées et enfants – a décidé de faire une marche de protestation contre l’injustice, comme à Selma dans les années soixante au Etats-Unis. La foule se déroule lentement le long du trottoir, par milliers. Il fait beau. Soudain des avions plongent vers elle et la mitraillent. La panique gagne tout le monde. Il y a des centaines de morts et de blessés. De l’autre côté de la rue, des hommes armés, souvent très jeunes, sortent des maisons et se précipitent vers leur père, leur mère, leurs soeurs, leurs enfants en train d’agoniser. Il y a des cris et des larmes ; partout le sang dégouline sur le trottoir en longues lanières. Je suis devant ce paysage comme une ombre, un témoin. Je m’écroule, bouleversé par la tragédie, et je me dis qu’en Occident nous allons parler de “bavures” sans trop y croire. Bébé, sur les routes de France, à une autre époque, je fus l’un de ces mitrailles.