Habiter la vie par la poésie

2009, par René Barbier

Où est l’Ouvert. Où la lumière.

Au cœur de l’éveil ?

 Au fond du sommeil ?

 Dans le silence qui relie l’homme à l’infini ?

Michel Camus (Proverbes du silence et de l’émerveillement, Lettres vives, 1989)

En quoi une pratique d’écriture poétique de longue durée conduit-elle à un sens poétique de la vie dans son ensemble et débouche-t-elle, en fin de compte, pour l’éducateur-poète, sur une véritable sagesse proche d’une « spiritualité laïque » décrite par André Comte-Sponville [1] qui modifie en profondeur sa manière d’enseigner et le contenu de son enseignement ? Sans doute faut-il développer un sens de l’écoute extrêmement sensible, comme le propose le poète Christophe Forgeot [2]. C’est à partir d’une expérience poétique de plus de cinquante ans que je propose cette réflexion sur le sujet. La dimension d’expression poétique m’a fait inventer de nombreux dispositifs pédagogiques et a modifié  singulièrement l’orientation de la constitution de mes objets de connaissance [3]. En particulier, mon ouverture vers l’Orient, et l’Extrême-Asie, en particulier, doit beaucoup au sens poétique inscrit, quotidiennement, dans l’ordre du monde et de la nature. L’activité de recherche scientifique, en sciences humaines, peut être fécondée d’une manière étonnante, par une pratique poétique, et plus généralement, par une pratique artistique. Certains la nomment processus de transduction. Apprendre la relation d’inconnu et la rigueur qui accompagne son interpellation sur le sens de la vie, par le biais de la création poétique, contribue à l’activation de la démarche de recherche, hors des sentiers battus par la bonne conscience académique. Cela ne va pas sans risque, mais également sans défi créateur dans l’ordre épistémologique.

Pour entrer dans l’écoute mytho-poétique, il faut pouvoir accepter de mettre entre parenthèses l’écoute rationnelle dont nous avons l’habitude. Ce n’est pas dire que l’écoute mytho-poétique ne comporte aucune part de logique. Mais cette logique est à découvrir a posteriori, elle ne préside pas à l’instauration de ce type d’écoute. Pour se rendre sensible à l’écoute mytho-poétique nous avons intérêt à lire et relire les poètes contemporains, leurs manières de dire et d’exister. Souvenez-vous d’Hölderlin “car c’est en poète que l’être humain habite sur cette terre”[4]. Mais qu’est-ce qu’“habiter en poète ?” Comment entrer dans notre monde en poète alors que l’esprit mercantile, le jeu totalisant de l’argent et du profit, façonnent les esprits au cœur d’une nouvelle religion mondiale que Dany-Robert Dufour nomme « le Divin Marché »[5] ? Peut-on réellement sortir de ces conglomérats d’ego-grégaires satisfaits de leur ignorance que fécondent et glorifient en permanence les thuriféraires de ce monde sans foi ni loi ?
Avec d’autres, je pense que seule la poésie, la démarche poétique, peut provoquer notre conscience au point de nous secouer suffisamment pour entrer en résistance contre cette montée de l’insignifiance.

1. Les habitats du poète

Le poète est avant tout cet être qui expérimente à chaque instant et dans le pouvoir des mots, des rythmes et des images, la puissance de l’imagination radicale. Souvenons-nous de la conceptualisation de C. Castoriadis à ce propos. Au coeur de la psyché-soma, et la constituant même à l’origine, on trouve cette faculté extraordinaire de l’être humain d’imaginer des formes, figures, symboles à partir de rien. L’imaginaire est premier, le symbolique second, quand bien même celui-là a besoin de celui-ci pour se “donner à voir” (P. Eluard). L’imaginaire déborde d’ailleurs ce plan de la psyché-soma et se retrouve également sur le plan du social-historique, en devenant ce que Castoriadis nomme l’imaginaire social, comme magma de significations inconscientes et s’imposant à l’ensemble des membres d’une société donnée dans son historicité. Si l’imaginaire comprend bien une partie leurrante, il ne saurait se réduire à cette dimension comme le soutient J. Lacan [6]. L’imaginaire est beaucoup plus de l’ordre de la création, ce qui ne peut signifier, pour autant, que cette création soit nécessairement pour le plus grand bien de l’humanité : l’hitlérisme comme l’éradication des maladies contagieuses par la découverte des vaccins sont des effets de l’imaginaire humain.

Le premier habitat du poète : la méditation intensive

Le premier habitat du poète est avant tout méditatif. Le poète, dans sa première demeure créative, entre dans un univers d’intense concentration. Celle-ci porte aussi bien sur une idée, une première image, une émotion, un souvenir, un paysage, une dimension corporelle, etc. Sans doute peut-on soutenir que ce premier objet déclencheur d’expression poétique est plutôt du domaine des grands éléments naturels à portée mythique comme la terre, l’eau, le feu, l’air (cf. G. Bachelard).

Ce qui advient dans son esprit prend alors une puissance polarisante sans pareille. Toutes les autres pensées sont d’emblée balayées et seule demeure la représentation de ce qui l’obsède à cet instant. Cet objet premier fulgure – petite flamme d’une bougie à l’horizon insondable de la psyché. Le poète laisse faire. Il est le témoin de ce qui le retient. Il se contente de faire le vide d’autre chose et de contempler les vagues d’images qui ondulent à partir de cet impact. Il est facile de constater qu’un poète, à ce moment, est dans une tour d’ivoire, même s’il se tient au milieu d’une foule. Pourtant il préfèrera des lieux plus discrets, mieux isolés du bruit et de la fureur, plus en harmonie avec ce qui lui permet d’être relié à la profondeur de son imaginaire et au monde universel.

Son regard s’intériorise. Un silence vertigineux le gagne. Une vision pénétrante s’esquisse et s’aiguise dans des images et des rythmes. Un poète accompli sait très bien qu’il ne doit pas arrêter ce moment privilégié. Il se doit de le vivre le plus complètement possible, au risque de l’éloignement passager avec les gens qu’il aime. Il reconnaît dans ce passage qui le déplace entre deux espaces psychiques (la veille et le sommeil), une chance à saisir en vue d’une création qui commence là. Dans cet entre-deux il surprend le sens des contraires dans leur plénitude particulière. L’image poétique jaillira de la tension comme une réconciliation symbolique. En cela tout poème est porteur d’une kyrielle de significations contradictoires que chaque lecteur prend plaisir à déchiffrer (à réinventer) pour son propre compte.

Le poète doit tenir la balance égale entre le monde physique de la veille et l’aisance redoutable du sommeil, les lignes de la connaissance dans lesquelles il couche le corps subtil du poème, allant indistinctement de l’un à l’autre de ces états différents de la vie[7].

Cette phase méditative est sans conteste très proche des états méditatifs décrits à partir des expériences orientales. Se concentrer sur le bout de son nez ou sur sa respiration, mais encore sur une pensée pertinente et apparemment non-rationnelle (un koan zen par exemple) ressemble fort à l’état de méditation poétique en sa première demeure. Même besoin de silence, de quiétude dans l’environnement, de rigueur dans l’approfondissement psychique. Une différence pourtant, et de taille !, une méditation orientale exige presque toujours un “maître”, un “gourou” qui conduit son disciple sur le chemin non sans embûches inconscientes. Rares sont les sages comme Krishnamurti qui réfutent un tel tutorat.

La méditation poétique débouchant sur la création d’un objet symbolique (le poème) n’impose pas un accompagnement de cette nature, malgré les risques que comporte toute investigation de l’imaginaire. Il est vrai que certains poètes, et non des moindres, y ont laissé des plumes (folie, suicide, cf. Antonin Artaud, René Crevel). Car c’est durant cette phase que le poète se vit comme le plus en marge, le plus étranger au monde ambiant. Le poème écrit, ce dernier sera socialisé par la lecture, la publication. L’étrangeté du poète s’inscrira au centre d’une dynamique sociale dans laquelle interviendront peu ou prou des éléments de reconnaissance. Par contre, dans la première phase méditative, le poète est seul avec lui-même, tout en sachant que ce qu’il vit n’est pas partageable.

C’est pourtant à ce moment de contemplation que se joue l’essentiel de la création poétique : l’élaboration d’une matrice imaginaire, d’une sorte de schème inconscient porteur d’un dynamisme créateur d’images et de sérénité joyeuse :

La Sérénité sauve originellement; elle est ce qui sauve ; elle est le sacré. Le “Plus Haut” et le “Sacré”, c’est pour le poète le même : la Sérénité (die Heitere). Elle demeure, en tant que source de tout ce qui est joyeux, “le plus joyeux” ; en celui-ci se produit la pure éclaircie… Il se montre suprêmement enclin à “créer de la joie avec nous”. Parce que sa nature est l’éclaircie, il “aime cela”, “ouvrir” et “éclairer”. Par la claire Sérénité, il ouvre les choses à leur présence qui réjouit. Par l’allègre Sérénité, il éclaire le coeur des hommes au-dedans, afin qu’ils soient prêts à accueillir à coeur ouvert la prospérité de leurs champs, de leurs villes et de leurs maisons” (Heidegger, 1973) [8] . Cette phase est toujours celle d’un “retour” à l’origine et au secret :

Etre poète signifie être dans la joie, qui abrite en parole le secret de la proximité au plus-joyeux” (Heidegger, idem, p.31).

C’est la raison pour laquelle toute lecture approfondie d’un poème est pour le lecteur un authentique massage de l’âme même si le poème peut, dans sa forme, apparaître comme tragique. Rares sont les philosophes qui savent écouter l’enfant poétique en eux-mêmes et s’ouvrir ainsi sur la joie et la quiétude. Robert Mishrahi est, à cet égard, un phénoménologue d’exception, puisqu’il affirme que l’être humain, avant d’être définissable par un manque incontournable ou par une tragédie de l’impossible, se “constitue en réalité par rapport à la joie” par le biais des “actes de la joie : fonder, aimer, agir[9] . Le poète plus que tout autre, en cet instant méditatif, est à l’orée de son nouvel itinéraire qu’il faut définir ici, avec Robert Mishrahi :

il pourrait désigner ces moments existentiels dont la libre succession et la libre invention peuvent dessiner, peu à peu, l’une des formes possibles de la découverte de la joie à travers le mouvement de la vie”.

Le philosophe rejoint alors le poète : Si Paul Eluard écrit, dans Le Phénix [10]  

   La nuit n’est jamais complète

   Il y a toujours puisque je le dis

  Puisque je l’affirme

  Au bout du chagrin une fenêtre ouverte

  Une fenêtre éclairée

  Il y a toujours un rêve qui veille…

R. Mishrahi soutient :

Par le désir de la joie un moment vient toujours en chaque vie, en chaque être, où le sujet se sort de sa nuit pour s’allier au visible… Le grand désir de la joie est le déploiement d’un être ramassé, l’émergence de la joie hors d’elle-même, la naissance du visible par l’éveil de l’allégresse[11] .

Lorsque l’être se déploie, notamment dans la réalisation spirituelle, tout en lui devient désir de parole poétique, comme nous le prouvent la plupart des biographies de sages orientaux : Aurobindo, Krishnamurti, Ramana Maharshi, etc, ou encore, dans la tradition occidentale, Saint Jean de la Croix, après le Cantique des Cantiques.

Le deuxième habit du poète : la méditation créatrice

La poésie prend racine dans la première phase de méditation intensive mais ne se “donne à voir” que dans cette seconde phase de méditation créatrice. Celle-ci est par excellence un massage de l’âme. Beaucoup de textes, dits poétiques par leurs auteurs, souvent très jeunes, ne sont que des tentatives symptomatiques pour réduire des tendances névrotiques douloureuses. Les résultats s’en ressentent comme le montrent à peu près 90 % des productions des candidats aux concours nationaux de poésie. Il n’empêche que chaque poème a, pour son auteur, une action bienfaisante. Nous pouvons parler d’une logothérapie à propos de ce type de pratique. Des psychothérapeutes ne s’y sont pas trompés. Aux Etats-Unis, certains d’entre eux ont créé des groupes de “poésie-thérapie” dans lesquels l’écriture et la lecture de poèmes ont valeur curative.

Je ne décourage jamais un étudiant qui, sachant mon intérêt pour la dimension poétique de l’existence, vient me montrer anxieusement ses premiers textes. Souvent j’en repère les limites, sur le plan proprement poétique. Je m’arrange pour lui signifier à la fois l’intérêt qu’il aurait à continuer ce type d’écriture tout en restant prudent sur une valorisation outrancière et narcissique mal venue et illusoire. En général, je lui conseille de lire les oeuvres des poètes d’aujourd’hui pour se faire une idée de ce qu’est une réalisation poétique. Je pense en effet que passer de la phase de méditation intensive à celle de méditation créatrice est une véritable voie de transformation intérieure par le fait que les mots correspondant à des constellations archétypales, sont d’authentiques opérateurs psychiques.

Je me souviens encore d’un très jeune homme, au Lycée Voltaire, venant me lire ses premiers poèmes. Je fus immédiatement conquis par leur qualité qui dépassait de loin ce que l’on produit à cet âge et je l’en félicitais. Ce jeune homme est devenu un écrivain connu puisqu’il s’agit de Mathieu Benezet. L’inscription d’une méditation intensive dans un objet symbolique créé de toute pièce n’évite pas la part de sublimation que les psychanalystes repèrent dans toute oeuvre artistique, par rapport aux conflits intra-psychiques de l’auteur. A lire l’oeuvre d’un poète prestigieux comme le poète hongrois Attila Joszef, nous reconnaissons la transparence de la puissance poétique au sein même de la gangue d’une névrose “border-line”. Son poème intitulé Maman par exemple, tout en étant porté par toute la dramatique histoire sociale de sa vie et une problématique oedipienne non résolue, n’en demeure pas moins un ensemble symbolique dans lequel tout lecteur peut reconnaître l’impact fortifiant dans son propre imaginaire.

Comme le soutient Karl Jaspers : “une idée philosophique, une vision spirituelle, une création poétique, une idée scientifique sont originelles dans leur sens valable. Souvent, on peut découvrir des causes de l’état auquel sont rapportées les créations valables. Les derniers poèmes de Hölderlin, les derniers tableaux de Van Gogh n’auraient pas été aussi profonds, n’auraient pas eu la même forme, s’il n’y avait pas eu maladie mentale. Cela ne veut rien dire contre l’originalité de leur sens. Je ne vois pas de preuve empirique de la thèse selon laquelle le refoulement a produit de grandes choses dans l’ordre spirituel. Mais si même cette preuve existait, cela ne prouverait rien quant à l’originalité de la création[12].

Dans la méditation créatrice, l’objet polarisant se traduit par la force de l’imagination radicale dans le champ de la symbolique poétique, sous forme d’objet poétique. Il s’agit d’une mise au clair, d’une sorte d’extraction de l’objet imaginaire dans le filet des images, des ambiances, des rythmes et des sonorités du signifiant. Eugène Guillevic médite sur son pays natal, la Bretagne, et cela donne Terraqué (Gallimard). Les figures mathématiques lui inspirent Euclidiennes (Gallimard) et une certaine obsession métaphysique Sphère ou Paroi (Gallimard). A chaque fois un objet imaginaire l’emporte vers des rives symboliques insoupçonnées et, sans doute, mystérieuses pour lui-même.

Certes, la maîtrise pratique de ce champ symbolique est nécessaire au poète pour la réalisation de cette traduction. Combien de poètes se sont égarés vers des zones d’insignifiance du fait d’une ignorance du langage propre à la poésie. Etre un habile versificateur, un prestigieux grammairien, ne suffisent pas pour posséder cette maîtrise. Il s’agit plutôt d’un savoir-faire langagier en grande partie intuitif, tout en étant travaillé et perfectible au fil des années de pratique. Vouloir dire quelque chose de précis, comme un savant, conduit le poète vers ses plus mauvaises productions, comme l’a prouvé l’exemple des sonnets de circonstances de Guillevic.

Il faut croire que l’objet imaginaire fondateur du poème, ne sera jamais vraiment montré dans le texte final. Le poème est une tentative inadéquate de présentation de cet objet, sur un mode polysémique. C’est pourtant le seul mode qui puisse permettre un certain regard sur l’objet. Tout discours analytique est de trop, comme un habit – fût-il de lumière – sur un corps qui ne sera jamais perçu dans sa nudité essentielle. G. Bachelard l’a bien compris dans son oeuvre au diapason des poètes. Pour approcher le poème, il fallait, pensait-il, laisser le savant de côté et faire rebondir l’image sur l’image dans une perspective d’imagination créatrice et de retentissement.

Ainsi la méditation est créatrice à partir de l’objet imaginaire. Il s’agit bien d’un objet nouveau qui apparaît dans et par le poème. Cet objet est institué par l’objet imaginaire mais il est, simultanément, instituant dans l’ordre du langage et de l’économie libidinale de l’auteur. Une seule image inventée par un poète peut lui sauver la vie, comme elle peut contribuer à faire mourir un lecteur surpris par sa puissance inconsciente. Tout authentique poème est une petite bombe dans l’ordre du sens. Déranger cet ordre peut, suivant le cas, faire naître ou tuer sans hésitation.

La méditation créatrice, en tant que liée à la création, présente une tri-dimensionnalité : une dimension théologique, une dimension maternelle et une dimension d’altérité. Le créateur est à la fois le substitut de dieu, le porteur d’une oeuvre enfantée dans la douleur comme dans le plaisir et celui dont l’oeuvre ne peut exister sans le regard critique de l’Autre.

Plus encore la création poétique est de l’ordre de l’improvisation, c’est-à-dire du “commencement”. Un poème naissant se donne à voir pour la première fois, sinon il n’est qu’un monument versifié ou un plagiat inconscient. L’image éblouit en premier lieu le créateur lui-même. Elle est le trait-d’union qui constitue une des mailles de la symbolique poétique sans cesse en voie de création, toujours inachevée. Trait d’union entre ce champ symbolique représentant l’ensemble de la production poétique de l’humanité et l’imaginaire, à la fois singulier du poète et l’inconscient collectif archétypal qui, nécessairement, le dépasse et le relie à la création imaginaire phylogénétique.

Le troisième habitat du poète : la méditation réflexive

Le poète est devant son poème comme devant un continent inconnu. Il ne saurait jamais prévoir ce qu’il va découvrir en fin de compte. Le travail fini, ou du moins le veut-il ainsi sans jamais totalement y croire, il lui reste à parcourir son territoire qui déjà lui échappe. Les mots, les images, les rythmes, les situations nouvellement créés sont, pour lui, comme autant de chiffres (K. Jaspers) d’une invisibilité qu’il a rendu présente par la force de son imagination. Il aura à découvrir le sens caché dans sa méditation réflexive. De ce travail, gageons que jaillira moins une oeuvre conceptuelle qu’un nouveau poème. Ainsi reconnaîtra-t-il :

Le poète ne s’irrite pas de l’extinction hideuse de la mort, mais confiant en son toucher particulier transforme toute chose en laines prolongées” (R. Char) [13]

Le poème, ce résultat étonnant de la métamorphose conjointe de l’univers existentiel du poète, de l’univers du langage poétique et de l’univers du monde, est une épreuve, au sens philosophique et au sens photographique. Il est “épreuve” au sens photographique dans la mesure où le poème fait apparaître dans son tissu symbolique, cette complexité souvent paradoxale des univers liés inextricablement. Mais il s’agit d’une photographie toujours un peu floue, dont on ne saurait discerner exactement les contours des personnages, des objets, des événements et des situations. Plus encore il s’agit d’un négatif dont chaque lecteur doit tirer justement l’épreuve pour et par lui-même. Il est épreuve philosophiquement en tant qu’il énonce la sempiternelle contradiction de l’univers existentiel du poète. Il ne présente aucune preuve, mais il permet au lecteur d’éprouver lui-même la tension d’une existence qui tente d’articuler dans l’inachèvement le pôle de la séparation et le pôle de la totalité. Nombreux sont les poètes qui se sont brûlés les ailes dans cette lutte acharnée.

Souvenons-nous de Heinrich von Kleist qui, comme l’a pensé F. Nietzsche dans ses Considérations intempestives, s’est suicidé avec sa compagne parce qu’il eut un sentiment trop vif et prégnant d’une carence d’amour. Pour Kleist tout individu lui semble posséder d’un désir irrépressible d’être heureux, mais en définitive il ne peut l’être vraiment que dans le rêve ou la nostalgie. Pensons encore à la pendaison de Gérard de Nerval, au suicide au milieu des blés de l’homme à l’oreille coupée Vincent Van Gogh, aux morts volontaires de ces météores surréalistes que furent Jacques Rigaut, Arthur Cravan et Jacques Vaché. De René Crevel qui, comme un acteur, avait consciencieusement répété sa mort : “assez de grimaces. Assez de poings tendus. Assez de rondes opportunistes. Les lauriers sont coupés; il faut aller vers la ville d’inquiétude, la ville d’éternité dans laquelle un jour se réalisera notre âme parfaite” écrit-il en 1924 dans un texte sur le peintre Chirico. Dans la nuit du 17 au 18 juin 1935, une de ces “nuits couleur d’iris noir” Crevel ouvre le gaz et disparaît dans le brouillard pour avoir “oublié de mettre l’allumette” comme il l’avait déjà écrit dans un de ses textes. Il faudrait encore citer Marina Tsvetaieva, l’incandescente soviétique qui se pendit dans une isba de l’Oural en 1940, César Pavese qui rencontra celle pour qui “la mort viendra et elle aura tes yeux”, Attila Joszef couché sous un train et plombé par la folie, comme Virginia Woolf s’enfonçant dans les flots de la rivière, une lourde pierre dans sa poche, Vladimir Maiakovsky ne supportant plus l’échec de la Révolution et plus près de nous encore, le suicide du jeune poète Jean Philippe Salabreuil [14]

2. Symbolique poétique et Jeu du Monde

Le poète est d’emblée cet être du monde qui perçoit sans cesse “la poéticité du Jeu du Monde” comme l’affirme Kostas Axelos dans Systématique ouverte (1984) [15]. La poéticité du Jeu du Monde est au-delà de toutes formes d’expression visant à la circonscrire dans un ordre circonstanciel.

Le procès du monde et la poésie

Le poète contemporain, et peut-être pas seulement jusqu’à Hölderlin et Rimbaud comme le pense K. Axelos, découvre et fait découvrir dans son poème, le Devenir-de-la-Totalité du Jeu-du- Monde, en deçà et au delà de tout esthétisme. Le poème est une flèche visant cet infini en acte. Il est une parcelle dynamique de cet infini imprévu. Le poème énonce en filigrane le Jeu de l’Errance du Monde. Même apparemment circonscrit aux aléas de l’existence du poète, il la prolonge dans une trame de fond qui l’englobe et la dépasse. Tout poème manifeste dans son petit jeu de mots et d’images, de rythmes et de sonorités, le Jeu du Monde dans son ouverture impromptue et indéterminée à l’Errance. C’est la raison pour laquelle le sens de la totalité chez le poète et dans le poème ne saurait être réduit, comme le croient trop d’analystes freudiens, à une sublimation de positions psychiques archaïques mal résolues. Il ne s’agit pas de revenir dans le ventre maternel, dans un cocon feutré et harmonieux d’avant la naissance, mais de faire sentir intuitivement le déploiement de ce qui est sans cesse en devenir, cette ouverture d’une totalisation qui comprend en son sein toutes les logiques et tout ce qui ne peut être pensé conceptuellement. En cela tout poème est pour le lecteur attentif et préparé un mantra, une formule incantatoire, à partir duquel il peut être saisi par cette poéticité du Jeu du Monde. Le poème moderne rejoint là les plus beaux fleurons de la pensée orientale du Bouddhisme zen telle que nous avons pu commencer à la connaître en Occident dès 1927 à travers l’oeuvre de D. T. Suzuki.

Le Zen, qui est avant tout expérience d’un état de conscience différente, nous fait faire l’épreuve intuitive d’une profondeur insoupçonnée du réel avant toute dénomination. Elle est une pensée sans concept ni image. Sa méthode consiste à surprendre, déconcerter, stimuler, dérouter et épuiser l’intellect jusqu’au moment où il nous apparaît de toute évidence que l’intellection est une impasse totale pour comprendre la racine du réel. Le Zen perçoit la vie et non un concept sur la vie. Il propose une voie de réalisation et non la description assimilable du résultat : le satori (l’illumination).

A l’origine (VIe siècle de notre ère) liée au taoïsme chinois tardif et quelque peu affadi par des pratiques magiques, auquel il redonna une vigueur spirituelle plus conforme au Tao Te King de Lao Tseu (VIe siècle avant J.C.), le Zen, c’est-à-dire la “méditation” en tant qu’elle reflète un état de conscience supérieure unissant l’homme à la réalité ultime de l’univers à travers des gestes les plus simples et ordinaires de la vie quotidienne, affirme que l’homme souffre à cause de sa soif de posséder et de garder, ce qui est essentiellement transitoire et mouvant. Le Zen saisit ce qui est de l’ordre d’une pointe d’aiguille sur l’instant et qui, plus jamais, ne se répètera. Cette prise de conscience entraîne le sage zen vers un humour permanent se traduisant par des éclats de rire déconcertants, comme j’ai pu moi-même le constater, car pour lui le monde est neuf de commencement en commencement dans ses moindres détails.

O merveille,

O miracle,

Je tire de l’eau et je porte du bois !

s’écrie le poète zen P’ang-Yun.

On sait maintenant que cette vision psychique des choses correspond à ce que de nombreux scientifiques de la physique sub-atomique élaborent comme théorie interprétative de la matière, dans la foulée de la Mécanique Quantique. Ce qui d’ailleurs ne prouve rien car les deux modes de connaissance scientifique et spirituelle zen, sont absolument différents, tout en étant à la fois rigoureux, fondés sur l’expérience et la reconnaissance des résultats par une communauté savante de part et d’autre, comme l’a fort bien souligné Ken Wilber [16].

Cette attitude nouvelle de l’esprit, le disciple zen va la développer par l’expérience du “satori” à la lumière d’une méditation soutenue du Koan. Le satori fait passer le sujet d’un niveau systémique de conscience à un autre niveau systémique, absolument incompréhensible avant de l’avoir expérimenté. Il y a d’ailleurs des degrés dans cet approfondissement spirituel expérientiel, mais les adeptes de l’Ecole du Sud insistaient plutôt sur le jaillissement de la compréhension supérieure à partir d’un comportement verbal ou gestuel spécifique et impromptu du Maître, notamment la résolution du Koan proposé. C’est également l’attitude d’ “insight” immédiat dans l’approche de Krishnamurti. Au sens littéral le “koan” signifie “document officiel”, mais son sens actuel peut se définir comme une sorte de problème posé sous forme d’énigme (écrite, orale, gestuelle ou dessinée) par un maître zen à un disciple. Or c’est une question à laquelle on ne peut répondre à partir du jeu de la logique intellectuelle, quelle qu’elle soit. Par analogie, l’énigme renferme un témoignage indiscutable sur l’Absolu dans l’énoncé du maître comme dans la réponse originale du disciple. Cette réponse prouvera l’authenticité de son expérience intérieure aux yeux du maître. Ainsi : Le bruit résulte d’un claquement de mains. Quel est le bruit produit par une seule main ?

Ou encore : Il y a très longtemps, un homme enferma une oie dans une bouteille. L’oie grandit sans cesse, de sorte qu’un jour il lui fut impossible de sortir de la bouteille. L’homme ne voulait ni briser la bouteille, ni faire de mal à l’animal. De quelle manière procéderiez-vous si vous deviez sortir l’oie de la bouteille ?

La méditation active sur le koan n’est pas du quiétisme passif. Il demande un travail spirituel intense, commençant évidemment par la mise en branle de toutes les ressources de l’intelligence logique, analogique, paradoxale. Mais l’issue de ce travail acharné est toujours l’impasse, tant que le sujet désire rester dans le même système mental. Un jour peut-être l’énigme deviendra une clé pour ouvrir la porte de son esprit sur l’univers.

Un moine demanda un jour à Houei-lin Ts’eu-cheou : Que dire de celui qui a réalisé “cela” mais qui est incapable de l’exprimer ?

Le maître répondit : Un muet en train de manger du miel !

Le moine demanda encore : A quoi peut-on alors comparer un homme qui, sans avoir réalisé “cela”, en parlerait néanmoins éloquemment ?

Et Ts’eu-cheou de rétorquer : il est comme un perroquet qui appelle les gens par leur nom ! [17]

Ce passage ne se réalise que dans la prise de conscience désespérée de comprendre intellectuellement le problème, comme le pense Alan W. Watts [18].

Mais Alan W. Watts ajoute : “Cependant les maîtres zen semblent exprimer leur félicité en termes plus subtils et plus sobres. Comparés aux mystiques chrétiens, ils paraissent y attacher moins d’importance. Ils décriront de façon très vivante l’instant de l’illumination qui semble ébranler tout l’univers, mais se contenteront de suggérer leur nouvel état… Ils parleront ensuite de leur réalisation en décrivant leurs activités les plus ordinaires, leur but étant de présenter le Zen comme quelque chose de tout à fait naturel, intimement lié à la vie de tous les jours – où le Bouddha apparaît comme un “vieil homme dans toute sa simplicité” mais que personne ne reconnaît” (p.73).

On se souvient que Siddharta, dans le roman de Hermann Hesse, à l’issue de sa réalisation, n’est plus qu’un simple et vieux passeur sur la rivière [19]. Son ami d’enfance Govinda, toujours en quête spirituelle, ne le  reconnaîtra pas. Sous cet angle, le poème moderne est, dans le meilleur des cas, un koan pour le lecteur concentré et méditatif. Il est le koan du Koan de la vie, dans son errance magistrale, dans son déploiement du Jeu de la poéticité du Monde.

Par le lien qui unit la lumière à la peur, tu fais semblant de fuir, O serpent marginal ! écrit René Char et ailleurs encore, à propos de l’alouette :

Fascinante, on la tue en l’émerveillant

Et Paul Eluard, à la mort de sa femme Nush :

 Mon amour si léger prend le poids d’un supplice.

Et Eugène Guillevic dans ce portrait d’enfant :

 On rencontre une enfant qui grelottait, le soir,

 dans la rue sans beauté, plus rouge que ses doigts.

 Et de l’avoir lavée, on n’a plus rien à faire.

Et Antonio Porchia [20] :

 Avant de devenir mon chemin, j’étais mon chemin

ou encore :

 Savoir mourir coûte la vie.

Je n’en finirais pas de citer des poèmes qui ont eu, dans ma vie, cette valeur de koan zen et dont le seul souvenir me plonge, à chaque fois, dans un abîme d’étrangeté et de radiance. Je les ai notés consciencieusement dans mon “journal d’itinérance”. Ils m’animent à chaque moment crucial de mon existence en me proposant des traces subtiles, sans cesse nouvelles, dans des régions intérieures où je me croyais perdu à jamais.

De la séparation à la distinction

Si le poème moderne nous fascine c’est sans doute parce qu’il exprime presque toujours l’impossible dialectique entre sens de la totalité et sens de la séparation. Plus que tout autre, le poète qui n’a pas su approfondir l’ouverture spirituelle de la poésie, reste marqué par le sens aigu et tragique de la Séparation.

Le sentiment de séparation est consubstantiel à l’épreuve du vivant sexué. Tôt ou tard, l’être vivant se sépare de sa génitrice pour accéder à sa propre vie autonome. On sait que, chez le petit de l’homme, cette séparation s’opère biologiquement dans un état d’inachèvement (théorie de Bolk reprise par G. Lapassade dans sa thèse sur L’entrée dans la vie. Essai sur l’inachèvement de l’homme [21]). Le psychique ne suit pas la possibilité neuro-physiologique et motrice, elle même incomplète par rapport au monde animal, de devenir un être autonome. Gérard Mendel y voit d’ailleurs la racine du phénomène-autorité (1972) qui se perpétuera dans l’univers de l’adulte et dans la vie politique. Winnicott (1975) nous explique, à travers la théorie de “l’objet transitionnel”, comment le petit enfant réussira à combler fantasmatiquement l’angoisse de séparation d’avec la mère en développant ses facultés d’imagination et à condition que sa mère soit suffisamment “bonne” pour lui permettre de se croire inventeur de la réalité.

Sans doute peut-on postuler que ce passage est toujours plus ou moins un échec éducatif. Nous aurons de ce fait à subir toute notre vie l’impossible séparation, ce défaut fondamental pour reprendre les termes de Michaël Balint (1979) [22], pour lequel nous chercherons sans cesse les compensations adéquates. L’oeuvre d’art et la poésie sont, sans conteste sur ce plan, des instruments privilégiés. Il y a toujours dans un poème une mémoire de l’inséparation radicale. Il se peut même que la création soit arqueboutée sur cette angoisse, comme le pense Winnicott. C’est pourquoi une lecture psychanalytique d’un poète est toujours possible, quoiqu’insuffisante. Jacques Laplanche à propos d’ »Hölderlin et la question du père » [23], ou Eva Brabant et la folie d’Attila Jozsef [24] ont parfaitement le droit d’interroger l’oeuvre de chaque poète à la lumière de la théorie freudienne. Ils nous apprennent à voir chez ces créateurs, ce qui, en nous-mêmes, est porteur de sens. Mais le poème va toujours au delà du sentiment inévitable de séparation.

Le poème est un koan qui dans la séparation annonce la distinction. Pour les poètes qui ont eu la chance de suivre la spiritualité intrinsèque à toute poésie en acte, l’angoisse de séparation subit une métamorphose du fait de son insertion dans un Englobant qui fournit une autre vision du monde. Ce qui est transformé, c’est un sens de la totalité complètement lié à celui de la séparation dans une vision dichotomique. Ce qui apparaît peu à peu au fil de la réalisation proprement poétique, c’est une symbolique de la totalisation, où les deux termes se réconcilient et qui exprime le déploiement de la poéticité du Jeu du Monde. Le poète, à l’intérieur et par le biais actif de son oeuvre même, sort de l’angoisse de la séparation pour assumer un sentiment de distinction – la multiplicité singulière de l’Un-Tout – qui le fait être unique tout en étant relié à Cela qui se déploie dans l’Errance. Je suis frappé par le fait que, presque toujours, après un état de réalisation spirituelle, les sujets semblent portés naturellement à s’exprimer poétiquement, pour tenter de communiquer, dans cette sorte de “pensée-mandala” (Ken Wilber), le bonheur de leur nouvelle vision. En écoutant un Krishnamurti ou un Ramana Maharshi, un Sri Aurobindo, on n’a guère l’impression qu’ils sont restés dans le giron d’une totalité matricielle, au sens biographique du terme. Nous ressentons plutôt un sens de l’Ouvert dont parle Rainer Maria Rilke [25], une déchirure dans le sens restreint du quotidien au profit du Sens qui vient métamorphoser la réalité. C’est la forte impression ressentie à la lecture d’un livre de poèmes de Khalil Gibran le Prophète.

C’est également ce que j’ai cru comprendre de l’oeuvre du poète Paul Chaulot s’acheminant, dans un va-et-vient irréductible, entre “l’éclair et le mur” [26]. Dans cet entre-deux qui caractérise le poète par rapport au sage ayant réalisé le satori et étant devenu un “boddhisatva” destiné à aider tous ceux qui cherchent la délivrance de la roue de la naissance et de la mort.

De plus en plus d’intellectuels, à l’heure actuelle, cherchent dans la vision poétique du monde, lucidement, une voie propre à notre temps de sortie des religions, sans pour, autant, penser que cet « incroyable besoin de croire » (Julia Kristeva), soit vaincu.

Déjà, il y a longtemps, la poésie pouvait être considérée comme une voie spirituelle. Octavio Paz avait bien vu que la poésie est, avant tout, une reconquête du présent ; Il écrivait « La poésie est amoureuse de l’instant et elle veut le revivre dans un poème ; elle l’isole de la succession temporelle et le transforme en pur présent » [27]. Il soutenait que notre temps était  celui de l’histoire profane, ouvert sur l’infini, mais sans référence à l’éternité. Temps en marche, inachevé, vers un avenir problématique, mais au sein d’un « présent où s’unissent les deux pôles, l’action et la contemplation » (p.34). C’est la raison pour laquelle Octavio Paz a pu être considéré comme un poète de la transparence (Paul-Henri Giraud) [28].

C’est également dans cet état d’esprit que Fabrice Midal nous propose son ouverture sur l’art moderne où il s’agit d’apprendre à voir poétiquement le monde : « le poésie » – écrit-il – « ne se situe pas, comme on le croit encore communément, à l’écart des enjeux du temps présent ; elle seule fait l’épreuve de la vérité de notre époque. Elle seule est à même d’œuvrer la révolution qui ouvre aux hommes un monde vivant » [29].


Notes

[1] Comte-Sponville A., 2006, L’esprit de l’athéisme, Albin Michel

[2] Forgeot C., 2007, Le poème de l’écoute à la parole

[3] On trouvera des exemples nombreux dans Le journal des chercheurs en ligne 

[4] Gabriel G., 1973, La poésie, corps et âme, Le Seuil,  325 pages, p.311

[5] Dufour D.-R, 2007, Le Divin Marché. La révolution culturelle libérale, Paris, Denoël

[6] Il faudrait analyser plus en détail la conception de l’“imaginaire leurrant” chez Lacan. N’oublions pas que dans son texte sur le stade du miroir paru dans les Ecrits de 1966, Lacan accorde une place centrale à la fonction d’anticipation de la psyché dans le mécanisme de structuration dynamique de l’identification. Cela permet à l’enfant d’anticiper l’unité de la maîtrise de son propre corps, ce qu’il n’a pas encore acquis. Il s’ensuit un phénomène de jubilation pour l’enfant. Il y a un lien, chez Lacan, entre la fonction d’anticipation de la psyché et la joie d’exister.

[7] Char R., 1983, “Fureur et mystère”, in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, La Pléiade

[8] Heidegger M., 1973, Approche de Hölderlin, Paris, Gallimard, p.23

[9] Mishrahi R., 1987, Les actes de la joie : fonder, aimer, agir, Paris, PUF

[10] Eluard P., 1951, Le Phenix, Paris, G.L.M

[11] Mishrahi R. op.cit., pp.62, 33

[12] Jaspers K., 1970, Initiation à la méthode philosophique, Paris, Payot, p.88-89

[13] Char R., Fureur et Mystère, op.cit.

[14] Sur le suicide des poètes, cf. “Les suicidés de la littérature” Magazine Littéraire, n°256, juillet-août 1988

[15] Kostas A., 1984, Systématique ouverte, Paris, Editions de Minuit

[16] Wilber K., 1987, Les trois yeux de la connaissance, la quête d’un nouveau paradigme, Editions du Rocher

[17] Wou Teng Houet Yuan (Kiuan XVI)) cité par Michel Belloni,  Le Monde  du 19 mars 1971, p.18

[18] Watts A. 1976, L’esprit du zen, éd Dangles, p.70

[19] cf. Hannachi A., 2006, Introduction à la philosophie de l’éducation de l’écrivain allemand Hermann Hesse, thèse de doctorat en Sciences de l’éducation, université Paris 8

[20] Porchia A., 1979, Voix, Paris, Fayard

[21] Lapassade G., 1963, L’entrée  dans  la  vie, essai  sur l’inachèvement  de  l’homme, Paris, UGE

[22] Balint M., 2006, Le défaut fondamental, Paris, Payot-poche

[23] Laplanche J., 1984, Hölderlin et la question du père, Paris, PUF, Quadrige

[24] Brabant E., 1982, “Histoire d’une “réaction thérapeutique négative”. Le coupable innocent (le poète Attila Jozsef et ses psychanalystes)”, Le Coq-Héron, n°84, 66 p.

[25] Rilke R.-M. Huitième élégie de Duino, sur la page web http://www.culturactif.ch/traduction/traductionDuino.htm (vue le 31 ocotbre 2007)

[26] Barbier R., 1971, “Entre l’éclair et le mur”,  in Présence de Paul Chaulot, ouvrage collectif, Paris,  Millas-Martin

[27] Paz O., 1991, Discours de Stockholm, La quête du présent, Paris, Gallimard, p.21

[28] Giraud P-H., 2002, Octavio Paz, Vers la transparence, paris, PUF, 305 p.

[29] Midal F., 2007, Petit traité de la modernité dans l’art, Paris, Agora, Pocket, p.38-39